Des paysages vallonnés, des rizières à perte de vue, des sourires malicieux sous des chapeaux chinois, le Yunnan nous a livré en 10 jours une partie de ses secrets. De balades à vélo en rencontres inopinées, de découvertes culinaires en chaleureuses soirées, nous garderons un souvenir intact de ces moments passés autour de la jolie ville de Dali.
Dali, the place to be
Pour tout baroudeur qui se respecte, Dali est une étape incontournable. Considérée il y a encore quelques années comme la Katmandou du Yunnan, la vieille ville n’a conservé de sa période hippie que ses jeunes chinois au look alternatif et ses bars décalés qui fleurissent aux abords des ruelles. Finie la grande époque des herbes et poudres en tout genre qui transitaient par la ville en provenance de Birmanie ! Les autorités chinoises ont repris la main sur le trafic et tenté d’enrayer les dérives enfumées de nombreux occidentaux. Encerclée par quatre portes majestueuses à ses points cardinaux, Dali se découpe en une multitude de rues où magasins souvenirs, vendeurs de crêpes au fromage sucré (et de gaufres belges !), bars tenus par des occidentaux et boutiques décontractées se côtoient, dans une ambiance à la fois touristique et authentique. Seule ombre au tableau, les drapeaux et casquettes rouge des touristes chinois qui ne nous lâchent pas d’une semelle dans l’artère principale de Fuxing Lu. A défaut d’être paranoïaque, on se sentirait presque traqué !
Les femmes, pour beaucoup issues de minorités ethniques, étalent à même le sol les fruits de leur récolte du jour. Vendeurs volubiles, cris d’animaux, affluence massive, l’ambiance est condensée. La lumière du petit jour réveille les couleurs et les odeurs prégnantes, mélanges d’épices et de chaleur. Plus haut, les montagnes de Chang shan dominent la vallée. En deux heures, on accède par un escalier traversant la forêt à un sentier où panoramas, cascades et pierres funéraires jalonnent le parcours. Au petit matin, l’épais brouillard qui enveloppe les sommets rajoute au caractère mystique de ce mastodonte rocheux culminant à 4122 m d’altitude.
Les vertus bienfaitrices de l’attente
Alain Manoukian, dans son essai « Petite philosophie du voyage », ne s’est pas trompé. Préférez l’étape au trajet, la nonchalance au périple tracé d’avance, et les fruits de votre attente en seront plus juteux ! Coincés à Dali suite à l’implosion de l’écran d’ordinateur, la déconvenue a rapidement fait place aux vertus bienfaitrices de la halte prolongée. Sans ce petit incident de parcours, nous n’aurions pas poussé la porte d’un temple, au détour d’un village éloigné de la ville, et assisté aux prières mélancoliques d’un groupe de vieilles dames. Humé, dans l’ombre de ce lieu de culte, les odeurs mêlées d’encens et de suie. Ecouté le tintement régulier du bol tibétain posé sur l’autel. Dévalé à vélo les rizières environnantes gorgées de la lumière du soleil de midi. Joué de la guitare au coin du feu en compagnie de jeunes chinois, et enrichi nos quelques notions linguistiques. Eté embrigadé pour manier le bâton dans une danse traditionnelle à Xiaguan.
A la recherche du Lac Erhai, nous n’aurions pas fait halte dans un square pris d’assaut par les anciens du quartier, et assisté à un concert de musique traditionnelle. D’abord spectateurs, nous sommes vites devenus acteurs principaux sous l’impulsion de Mo-tchâ, figure emblématique du lieu. Séance photos, tentative d’échange d’adresses, la bonhomie ambiante nous incite à rester. Après tout, nous ne sommes pas pressés. Et c’est sans regrets ! Une heure plus tard, nous voilà installés dans le salon de la vieille dame, coincés entre deux tasses de thé et un sac de cacahuètes. Sans la magie involontaire de l’attente, nous ne nous serions pas non plus arrêtés au bord d’une rivière pour aider un groupe de villageois à extraire des kilos de terre caillouteuse de l’eau. Ravis de notre séjour prolongé, nous quittons Dali pour Chongqing, avec dans l’idée de faire étape sur la route où le vent de l’autostop nous mènera.
Premiers pas dans le Sichuan
Avez-vous déjà vu un autostoppeur en Chine ? Si la pratique s’est quelque peu généralisée sur les routes de France et d’Europe, elle reste très minoritaire voire marginale dans l’empire du Milieu. Bien que voulant vous rendre service, de nombreux locaux vous proposent de vous emmener à la gare de bus ou de train la plus proche, sans vraiment comprendre quelle étrange manie vous pousse à lever le pouce en saluant les conducteurs en fuite !
Puisque tous les chemins mènent à un bus, nous abandonnons nos réflexes de voyage et revenons vers un mode de locomotion plus traditionnel. Pas un seul touriste à l’horizon, des routes mal entretenues, des villes industrielles et sans âme, bien qu’encerclées de montagnes et de campagnes verdoyantes. Des chauffeurs qui font halte dans plusieurs villages pour livrer quelques commandes et s’approvisionner en poissons frais. Des étapes d’une nuit dans des coins sombres, parfois lugubres. Des déjeuners aux nouilles en compagnie d’étudiants chinois. Des repas épicés à vous en tordre les boyaux, spécificité de la Province du Sichuan. La route vers Chongqing n’est pas celle à laquelle on s’attendait. Elle offre néanmoins son lot de surprises, de découvertes et de rencontres qui finirons de façonner notre premier aperçu de la Chine.